Le jour du chien, Minuit, 1996

Prix Rossel 1996

Un chien perdu court le long de l’autoroute. Des automobilistes et un cycliste s’arrêtent. Cette vision agira comme un révélateur sur ces témoins, accompagnant en filigrane leurs drames intimes. Six personnages en quête d’un chien.

Extrait, p. 18-19

Moi, mes parents m’ont abandonné. Dans un sens, ça facilite les choses, je veux dire que je n’ai pas besoin d’écrire en tant qu’enfant malheureux, comme ils le font dans Ados ou dans Teens. À ces revues-là je n’ai rien à dire, rien à créer, même, je ne sais pas pourquoi. Je lis simplement les histoires des jeunes qui se plaignent que leurs parents ne les laissent pas fumer, ou sortir, ou quitter l’école, ou avoir une voiture, ou passer la nuit entière avec leur petite amie. J’ai déjà pensé leur écrire, mais je n’aurais rien à dire que : « Moi, mes parents m’ont abandonné. » Puis basta. Parce qu’une fois que c’est fait, où est le problème ? Il n’y en a pas, voilà. On suit une ligne droite, comme ce chien qui courait après une voiture, une auto invisible, trop rapide pour lui, et que personne ne peut montrer du doigt parce que bien sûr personne n’a rien vu quand on a jeté le chien dehors. Les gens crient pour vous appeler, pour vous sauver, pour vous cajoler à la place de ceux qui vous ont jeté dehors, mais on se contente de suivre la trace, toujours la trace, qui devient de plus en plus difficile à suivre, mais ça ne fait rien, c’est devenu un automatisme, on a mis le cap, et on continue. Cette sorte d’obsession est plus simple que tous les états d’âme du monde, c’est sans pensée, c’est comme un camionneur sur l’autoroute de Bruxelles à Paris, on va droit devant soi, et au bout il y a une montagne de viande morte qui ne saigne même plus, elle est simplement rouge, rose, blanche, et froide, très froide, ce qui fait qu’on est devenu végétarien, sans hésiter, sans jamais changer d’avis. Dans un sens, c’est facile, on ne revient pas en arrière, on ne voit plus les yeux des bêtes qui vont mourir, on se retire de la responsabilité, on est propre, léger, et les journaux aiment ça, un camionneur léger et propre, qui est végétarien et n’arrête pas d’écrire sur les animaux qu’on abandonne et sur les enfants qu’il faut éduquer pour que ça n’arrive plus jamais.

Traductions

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Ukrainien, trad. Ivan Riabchyi, éd. Anetta Antonenko, Lviv, 2017

Espagnol trad. Blanca Gago, ed. Nordica.

Néerlandais par Rokus Hofstede, éditeur G.A. Van Oorschot, Amsterdam, 1999.

Italien par Stefania Ricciardi, dell’edizione Voland, Roma, 2001.

Letton par Inese Petersone, Apgads JD, Riga, 2007.

Croate par Bosiljka Brlecic, ed. Pelago, Zagreb, 2005.

Revue de presse

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Pas un gramme de graisse dans cette écriture serrée, vibrante, couleur d’urgence. Forgée par un poète qui a la science des moments. Un livre grave et beau, à se lire à voix haute. A voix haute, absolument.


Francis Matthys, La Libre Belgique, 23/8/96


Caroline Lamarche nous vient de la poésie et de la nouvelle. D’où sa capacité d’adopter – lyriquement – tous les points de vue, de distribuer à l’infini son regard sur les choses, et de les enchanter naturellement…


Pierre Mertens, Le Soir, 28/8/96


Elle sait répondre par l’énergie du langage à l’énergie des sensations et des sentiments.


Nicole Casanova, La Quinzaine littéraire, 1/9/96


C’est une voix incontestable et forte, très émouvante en beaucoup de pages.


Patrick Kechichian, Le Monde des Livres, 20/9/96